Le hotspot de Madagascar et des îles environnantes abrite 25 espèces nicheuses d'oiseaux marins, totalisant environ sept millions de couples. Ces populations sont menacées par divers facteurs anthropiques tels que le braconnage, le prélèvement des œufs, la pollution lumineuse, plastique et principalement les prédateurs introduits. Les rats noirs (Rattus rattus) et les rats bruns (Rattus norvegicus) sont présents sur 95% des groupes d'îles de cette région. Parmi ces îles, 85% abritent également des chats (Felis catus). Ces prédateurs ont historiquement entraîné le déclin de nombreuses populations d'oiseaux marins de la région. Cependant, à l'image de la majorité des populations d'oiseaux marins tropicaux, la démographie des oiseaux marins de la région est peu étudiée, et l'impact de ces prédateurs sur leur viabilité n’y a jamais été documenté. L'objectif général de cette thèse est de caractériser la démographie des oiseaux marins tropicaux de l'ouest de l'océan Indien, d'analyser l'influence des prédateurs sur celle-ci et de recommander des stratégies de conservation optimales. La thèse est déclinée en deux grandes thématiques. La première a pour objectif de quantifier l'impact des prédateurs sur la viabilité de cinq populations en estimant, pour certaines, la taille de ces populations ces dernières années puis, en effectuant des analyses prédictives visant à évaluer leur viabilité et à proposer des actions de conservation appropriées à l’aide de différents scénarios démographiques. Les pailles en queue à brins blancs (Phaethon lepturus) de Pouhou (Mayotte), les pailles en queue à brins rouges (P. rubricauda) d'Europa, les pailles en queue à brins blancs endémiques d'Europa (P. l. europae) ainsi que les puffins du Pacifique (Ardenna pacifica) se reproduisant au sud de La Réunion seront ici étudiés. Les îles de Pouhou et d’Europa sont envahies par les rats, tandis que les chats et les rats sont présents au sein des colonies de puffins du Pacifique étudiées. La deuxième thématique vise à évaluer l'influence de mesures de gestion mises en place sur la démographie des populations d'oiseaux marins. Dans cette thématique, nous étudierons l'impact du contrôle des chats et des rats sur la viabilité des colonies de pétrels noirs de Bourbon (Pseudobulweria aterrima) et pétrels de Barau (Pterodroma baraui), espèces endémiques de La Réunion, à l'aide d'analyses prédictives. Nous étudierons également la réponse démographique à long terme des fous masqués (Sula dactylatra) et des fous à pieds rouges (Sula sula) sur Tromelin, ainsi que des pailles en queue à brins rouges sur Nosy Vé, respectivement 17 et 22 ans après la dératisation de ces îles. Enfin, nous étudierons le processus de recolonisation naturelle des populations d'oiseaux marins de Tromelin après sa dératisation. Nos résultats nous ont d’abord permis d’améliorer les connaissances sur la démographie des oiseaux marins tropicaux. Ceux-ci montrent, globalement, que les rats et les chats ont des impacts dramatiques sur la démographie des oiseaux marins sur les sites envahis, pouvant entraîner leur extinction locale, voire globale (dans le cas des pailles en queue à brins blancs endémiques d'Europa et des pétrels noirs endémiques de La Réunion) à court ou moyen terme. Les opérations de contrôle régulières, ainsi que l'éradication totale des prédateurs, permettent aux populations de se reconstruire en augmentant les paramètres démographiques auparavant touchés par ces prédateurs. La dératisation de Tromelin a également permis la recolonisation de nombreuses espèces grâce à des processus naturels d'attraction sociale inter et intra-spécifique. La comparaison entre ces populations possédant des états de conservation différents permet de souligner la nécessité de mettre en place des actions de contrôle efficaces ou d'éradication totale des prédateurs, lorsque cela est applicable, afin d'éviter une perte de biodiversité conséquente dans la région.